Ma chronique hebdomadaire n’est ni un éditorial ni une analyse, mais un clin d’œil, un billet qui prend en quelque sorte l’actualité de biais. Je dois me faufiler dans chaque numéro, où le sujet choisi est traité sous tous les angles, pour tenter d’y apporter un regard inattendu. Si le thème est imposé, la forme est libre. Rien ne m’interdit d’inventer une scène, un dialogue ou un discours, voire une conversation au paradis entre De Gaulle et Mitterrand, autour d’une tasse de thé…

 

« Le mot » revient souvent à jouer avec les mots. Et, pour cela, entre métaphores et oxymores, euphémismes et antiphrases, la langue française offre mille possibilités. Sans compter de savoureux néologismes, des clichés en pagaille et l’insupportable franglish utilisé à toutes les sauces. Même pour séduire les acheteurs d’automobiles d’Arnac-la-Poste (Haute-Vienne) ou de Chantemerle-surla-Soie (Charente-Maritime), Renault ne se croit-il pas obligé de vanter sa « French Touch » ?

 

Mais on ne peut pas sourire de tout. Certains sujets, trop graves, contraignent le billettiste à changer de registre. Et c’est là vraiment que commence la difficulté : il faut emprunter d’autres chemins, plus périlleux. Imaginer par exemple l’accueil glacial qu’un djihadiste reçoit dans l’au-delà après s’être fait exploser au milieu d’une foule de civils…

 

J’aime bien tordre les mots, les presser comme des citrons. Parfois aussi prendre le sujet à l’envers. Comme dans cette chronique qui était intitulée « Ah, ces enfants… » :

— Tom, il est l’heure de te coucher. Range ce livre, s’il te plaît.

— Mais, maman, je n’ai plus qu’un chapitre à lire. J’ai bientôt fini.

— Un chapitre, un chapitre, toujours un chapitre… Ça fait une heure que tu es plongé dans ce roman. Une heure ! Tu dois avoir des fourmis dans les jambes.

— C’est un roman formidable. Je n’ai jamais lu quelque chose d’aussi bien.

— Tu dis ça à chaque fois, Tom. Ton addiction commence à m’inquiéter, tu sais ? Ton père aussi s’inquiète. On va finir par t’interdire la bibliothèque. Il n’y a pas que la lecture dans la vie !

— Mais je ne fais pas que lire, maman. Aujourd’hui, je suis allé en classe, j’ai joué au foot, j’ai fait de la guitare…

— Tu pourrais au moins répondre quand on te pose des questions.

— Quelles questions ?

— Cet après-midi, je t’ai envoyé trois SMS et deux tweets. Pas même un smiley en retour !

— Je n’avais pas mon téléphone. D’ailleurs, je ne sais pas où il est. Je croyais l’avoir laissé hier sur la table de la salle de séjour.

— Ce n’est pas sérieux, Tom. On ne se sépare pas comme ça de son smartphone. Des copains ont dû essayer de te joindre. Tu as certainement des messages en attente.

— Mes potes, je les verrai demain au collège. S’ils ont quelque chose d’important à me dire, ils me le diront.

— Tu me désespères, Tom. On ne peut pas vivre déconnecté ! Et tu vas finir par le perdre, ce smartphone que nous t’avons offert pour ton anniversaire. Ce n’était pas un bas de gamme, figure-toi ! Si je te disais le prix… À propos, je cherche un cadeau de Noël pour ton père. Est-ce que tu as une idée ?

— Offre-lui un livre, maman.

— Mais non, tu sais bien : il en a déjà un.